Examen des lois qui perpétuent les violences faites aux femmes en Algérie
L’Algérie est un pays d’Afrique du Nord depuis 1962, elle est nommée en forme longue ‘République algérienne démocratique et populaire’, abrégée en RADP. Au 1er janvier 2021, la population algérienne résidente avait atteint 44,6 millions d’habitants. Avec une superficie de 2 381 741 km2, c’est à la fois le plus grand pays d’Afrique, du monde arabe et du bassin méditerranéen.
L’Algérie est membre de l’Organisation des Nations unies (ONU), de l’Union africaine (UA), du Mouvement des non-alignés et de la Ligue arabe pratiquement depuis son indépendance. Le pays a également rejoint l’Union pour la Méditerranée en 2008.
Après plus d’un siècle de colonisation française et à la suite du référendum d’autodétermination du 1er juillet 1962, l’Algérie a proclamé son indépendance le 5 juillet 1962 et plus tard en 1963, elle a promulgué sa première constitution.
Depuis, le pays a connu plusieurs constitutions dont celle de 1996 qui a été modifiée 4 fois. La dernière modification est celle de 2020. Toutes ces constitutions ont parlé des droits humains avec des formulations qui ont évolué à fur et à mesure, et qui ont introduit à chaque étape plus de droits. :
La dernière constitution et dans sa dernière modification en décembre 2020 prévoit dans son préambule que « le peuple algérien exprime son attachement aux Droits de l’Homme tels qu’ils sont définis dans la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 et les traités internationaux ratifiés par l’Algérie » et que le président de la République, lors de sa prestation de serment, jure de « protéger les libertés et droits fondamentaux de l’Homme et du Citoyen ». La situation en matière de droits de l’homme en Algérie reste cependant à réfléchir, différents textes législatifs et différentes pratiques venant atténuer considérablement les principes inscrits dans la Constitution.
Les femmes quant à elles, elles étaient toujours victimes de discrimination dans la législation et dans la pratique, la quasi-totalité des centres d’hébergements pour femmes victime de violences a été fermée dans le début des années 2000s, pour qu’aujourd’hui les femmes victimes de violences se retrouvent livrées à elles-mêmes sans la moindre mesure concrète des institutions. En 2021 selon le site féminicide Algérie plus de 55femmes ont été assassinés, et la gendarmerie a communiqué le chiffre de 12000cas de signalement pour violences faites aux femmes. Le code de la famille promulgué en 1984 maintient les femmes en position de mineure à vie à travers l’article 11 qui leur impose un tuteur, et les relations sexuelles consenties entre personnes du même sexe demeuraient une infraction.
Par ailleurs l’Algérie a signé et ratifié plusieurs instruments internationaux, à titre d’exemple elle a signé en 1968 le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, pour ratifier les deux en 1989.
Aussi en 1987, l’Algérie a ratifié la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples ; mais à ce jour on lui compte 03 rapports en retard.
Aperçu de la situation des droits des femmes dans le pays :
Depuis l’indépendance, les femmes en Algérie ont fait un grand chemin vers l’égalité en droit et en devoir ainsi que l’émancipation. En dehors du code de la famille clairement discriminatoire, qui régit les relations familiales (mariage, divorce, garde, héritage) toutes les autres lois considèrent que les femmes sont citoyennes à part entière, et sont responsables devant la loi. Par ailleurs, l’égalité devant la loi et consacrée par la constitution ainsi que plusieurs codes. L’égalité des droits est garantie et clairement mentionnée : (droit aux travail, droit à l’éducation, droit à la santé, droit au logement…) Parmi les acquis arrachés, il faut citer la scolarisation des filles, la formation, la participation dans beaucoup de secteurs (sports, recherche, politique, culture., l’accès à l’espace public et l’accès au monde du travail. La maternité aussi s’est développée en induisant l’amélioration des conditions relatives à la santé sexuelle et reproductive des femmes bien qu’il reste encore du chemin à faire.
Pourtant beaucoup de discriminations sont encore au cœur des débats, en premier lieu ; les pratiques sociales en absence de politiques publiques fermes, en plus des textes législatifs (code de la famille, code pénal, loi électorale…) qui sont en contradiction avec l’évolution de la société et en total désaccord avec les textes internationaux et la Constitution.
L’Algérie a signé et ratifié plusieurs instruments internationaux, et il n’y a que la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (la CEDAW) qui a été ratifiée avec beaucoup de réserves. En effet, la Constitution algérienne parle d’égalité entre les citoyens et les citoyennes, mais certaines lois la réduisent à une formalité inapplicable et rejoignent les pratiques sociales inégalitaires et discriminatoires.
La participation des femmes à la vie politique est soutenue en 2012 par une loi indiquant un quota minimal de participation des femmes (représentantes à l’Assemblée générale) mais cet acquis est perdu en 2020 suite à la nouvelle loi électorale qui revient sur les principes de la démocratie participative. Les conséquences sont traduites par les résultats des élections législatives de 2021 (2), et des élections municipales 2021 (3)
Le Code Pénal est amendé en 2015. Avant il ne prévoyait aucune disposition spécifique pour condamner les violences à l’égard des femmes. En 2015, suite à l’amendement du code pénal, même si les femmes n’obtiennent malheureusement pas de loi-cadre contre les violences qu’elles subissent, la loi condamnera cependant les violences verbales, physiques, sexuelles, symboliques et économiques entre conjoints. Cet amendement renforce la loi sur le harcèlement paru en 2004 (harcèlement au travail), et inclut le harcèlement dans les espaces publics. Toutefois, ces amendements sont insuffisants tel que le montre l’augmentation continue des violences faites aux femmes : En absence de chiffres officiels, en 2021, Féminicides-Algérie (4) parle de 55 féminicides, et le constat des associations de lutte pour les droits des femmes est très alarmant car met l’accent sur l’absence totale de mécanisme d’éloignement et de signalement en cas de violences à l’égard des femmes. Le numéro vert du ministère de la solidarité sensé prendre en charge les victimes ne fonctionne pas depuis des années et l’absence de centre d’hébergement dans la quasi-totalité des wilayas algériennes (sachant que souvent les victimes ne sont pas indépendantes économiquement) fait que les victimes se retrouvent livrées à elles même son moyen. Un tout qui les oblige de se taire devant les agresseurs. Les cellules d’écoute des associations : FARD et le Réseau Wassila observent une augmentation continue des alertes des femmes victimes de violences depuis 03ans.
On remarque aussi selon les statistiques de l’ONS publiées dans la revue du CIDDEF – https://ciddef-dz.com/wp-content/uploads/2021/08/annuaire2019fr.pdf – la discrimination flagrante au tour des droits économiques ; ce qui renforce la vulnérabilité des femmes et les exposent doublement aux violences de tous types : sur le marché formel du travail, les femmes (bien que majoritaires parmi les diplômées) ne représentent que 18% de la masse salariale.
Il ne faut pas oublier le sort des femmes réfugiées ou sans statut (les migrantes), qui sont aussi dans les secteurs du travail informel, qui subissent beaucoup de violences sans pouvoir accéder à la justice vu l’absence de protection à travers des textes concrets dans le code de procédures pénales. A ce jour il n’y a pas protocole d’application relatives à la loi sur la traite humaine qui touche particulièrement les migrantes.
Ratification des instruments internationaux des droits de l’homme relatifs aux droits des femmes :
Déclaration universelle des droits de l’homme :
Adoptée et proclamée par l’assemblée générale dans sa résolution 217 A (III) du 10 décembre 1948.
Adhésion de l’Algérie (5) par l’article 11 de la constitution de 1963. Convention sur les droits politiques de la femme : |
20/12/1952 Assemblée générale des Nations Unies Adhésion de l’Algérie (6) par le décret présidentiel n° 04-126 du 19 avril 2004. |
Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes :
18/12/1979 Organisation des Nations Unies
L’Algérie ratifie et adhère par le décret présidentiel n° 96-51 du 22 janvier 1996 (7) en émettant des réserves sur les articles : 2, 9 /2, 15/4, 16 et 29/1. La réserve sur l’article 2 porte sur l’objet de la convention et donc la non-discrimination sous aucun motif à l’égard des femmes, hors que la loi algérienne légalise les discriminations dans l’espace privé à travers les articles de loi du code de la famille, les autres réserves sont relatives à la nationalité et les procédures de sa transmission au conjoints et à la descendance (réserve sur l’article 9/2), le choix de la femme de la résidence (réserve sur l’article 15/4) et en fin à la tutelle matrimoniale, l’autorité parentale, et les effets du divorce (réserve sur l’article 16)
Convention relative à la création de l’Organisation de la femme arabe du 14/02/2002 :
L’Algérie239- adhère par le décret présidentiel n° 03-69 (8)
Convention relative aux Droits de l’enfant :
20/11/1989 Assemblée générale des Nations Unies
L’Algérie adhère (9) par le décret présidentiel n° 92-461 du 19 décembre 1992 en émettant des réserves sur les arts 13, 14, 16 et 17
Protocole à la charte africaine des droits de l’Homme et des peuples relatif aux droits de la Femme en Afrique (protocole de MAPUTO – 10/12/2003- :
L’Algérie ratifie (10) par le décret présidentiel n° 16-254 du 27 septembre 2016
Aussi plusieurs instruments internationaux qui consacrent l’accès des femmes aux droits et portent les principes d’égalité ont été ratifiés/ signés par l’Algérie :
- Pacte international relatif aux droits civils et politiques : (Ratifié en 1989)
- Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels : (Ratifié en 1989)
- Déclaration sur l’élimination de la violence à l’encontre des femmes (Ratifié en 1993)
- Déclaration universelle sur la démocratie (Ratifié en 1997)
- Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discriminations à l’égard des femmes (Ratifié en 1999)
- Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (Ratifié en 1987)
- Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (Ratifié en 2011)
- Convention relative aux droits des personnes handicapées (Ratifié en 2009)
Histoire de la ratification la Convention sur l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) :
La convention portant sur l’élimination de toutes les formes de discriminations à l’égard des femmes du 18 décembre 1979, entrée en vigueur le 03 septembre 1981 a été ratifiée par l’Algérie le 22 Janvier 1996, publiée au journal officiel le 24 Janvier 1996.
Il est important de rappeler que la constitution consacre le principe de la hiérarchie des normes et donc qu’une Convention, une fois ratifiée est supérieure à la loi nationale. Ce principe a été rappelé par un arrêt du Conseil Constitutionnel en date du 20 août 1989, « Après ratification et dès sa publication toute convention s’intègre dans le droit national et en application de l’article 132, la convention acquiert une activité supérieure aux lois, autorisant tout citoyen à s’en prévaloir ».
Cependant l’Algérie a formulé des réserves sur certains articles de la convention
Les réserves formulées par l’Algérie portent sur les points suivants :
1. L’obligation pour les Etats de prendre des mesures concrètes pour éliminer la discrimination à l’égard des femmes. Article- 2
2. L’obligation pour les Etats d’accorder aux femmes des droits égaux à ceux des hommes en ce qui concernent la nationalité, article 9-2.
3. L’obligation de garantir l’égalité devant la loi aux femmes comme aux hommes, article 15-4.
4. L’obligation d’assurer l’égalité en matière de droit du mariage et du droit de la famille, article 16.
5. L’obligation de régler les différends entre Etats concernant l’interprétation ou l’application de la convention par voie d’arbitrage à la demande de l’un d’entre eux, article 29-1.
Entre temps il y a eu la levée de la réserve de la République Algérienne Démocratique et Populaire sur l’article 9/alinéa 2 de la convention par le décret présidentiel n° 08-426 du 28 décembre 2008 publié au Journal officiel n° 05 du 21/01/2009.
La réserve émise a été levée par l’Algérie suite à la modification du code de la nationalité en 2005 qui donne le droit à la mère algérienne de transmettre sa nationalité au même titre que le père algérien à son enfant. (Article 06). Désormais le code de la nationalité modifié en 2005 donne les mêmes droits à l’homme et à la femme pour la transmission de la nationalité à leur enfant, à leur époux et reconnait la double nationalité.
La modification du Code de la nationalité est venue dans un cadre particulier (la participation de l’Algérie aux matchs de qualification à la coupe du monde de football, beaucoup de joueurs internationaux dont seulement la mère est algérienne sont prêts à jouer avec l’équipe nationale. L’impact géopolitique du football en Algérie a poussé la volonté politique à prendre une décision formelle : celle du changement du code de la nationalité en 2005)
Le reste des réserves continuent à être l’objet de contestation de l’ensemble des acteurs et des actrices de la société civiles qui active pour les droits des femmes.
Pourquoi ces réserves :
Selon une publication du CIDDEF/La fondation pour l’égalité, nous pouvons résumer les réserves comme suit:
Réserve émise par l’Algérie sur l’article 2
L’article représente l’objet de la convention et prévoit l’engagement à la non-discrimination à l’égard des femmes, dans tous les espaces de la vie : privé, public et professionnel.
« Le Gouvernement de la République Algérienne Démocratique et Populaire se déclare disposé à appliquer les dispositions de cet article à condition qu’elles n’aillent pas à l’encontre des dispositions du code algérien de la famille ». Le code de la famille promulguée le 09 juin 1984 est un statut personnel qui régit les rapports familiaux tout en consacrant les discriminations qui entravent l’accès à l’égalité des droits civils. Inspiré de la Charia, le gouvernement algérien le considère comme sacré malgré le refus de la société civile engagée pour les droits des femmes.
Il est inexplicable que l’Algérie formule une réserve sur l’article 02 objet de la convention alors que sa constitution consacre le principe de non-discrimination. Les articles 35 et 37 de la même constitution prévoient l’égalité entre les citoyennes et les citoyens dans la vie politique, culturelle, économique, et sociales sans que puisse prévaloir aucun motif pour entraver l’épanouissement de la vie humaine. Et donc l’Algérie est censée s’opposer à toute discrimination à l’égard des femmes.
Réserve émise par l’Algérie sur l’article 15 paragraphes 4
« Le Gouvernement de la République Algérienne Démocratique et Populaire déclare que les dispositions du paragraphe 4 de l’article 15 notamment celles qui concernent le droit de la femme de choisir sa résidence et son domicile, ne doivent pas être interprétées dans un sens qui irait à l’encontre des dispositions du chapitre 4 (art 37) du Code algérien de la famille de 1984 :
La réserve portant sur l’article 15 concernant le droit de la femme à circuler librement et à choisir sa résidence et son domicile n’a aucun rapport avec l’article 37 du code de la famille de 1984 invoqué pour justifier son éviction, (cet article prévoyait « l’obligation pour le mari d’entretenir son épouse dans la mesure de ses possibilités sauf lorsqu’il est établi qu’elle a abandonné le domicile conjugal et d’agir en toute équité envers ses épouses s’il en a plus d’une ».
Par ailleurs Les notions d’obéissance et de chef de famille prévues par l’article 39 ont été abrogées. De plus, là encore, la réserve ne tient pas compte de la constitution algérienne qui reconnait à tout citoyen le droit de jouir de ses droits civils et politiques, le droit de choisir librement le lieu de sa résidence et de circuler sur le territoire national. Le rapport du gouvernement algérien reconnait que la réserve qu’il a émise à l’article 15 de la Cedaw est inopérante en raison des mutations socio-économiques. Beaucoup de couples mariés sont astreint matériellement à ne pas cohabiter, en raison de l’éloignement du lieu de travail du conjoint. Les rédacteurs ajoutent, « s’agissant de la femme majeure célibataire, aucune disposition légale ou règlementaire ne l’empêche de choisir librement son domicile ou sa résidence. Il s’agit d’un droit constitutionnel établi (principe de la libre circulation sur le territoire national) »
Toutefois, les dispositions du dudit article étant abrogées selon le rapport Algérie Cedaw /C/DZA/3-4 , « Cette réserve est inopérante »
Réserves émises par l’Algérie sur l’article 16 :
« Le Gouvernement de la République Algérienne Démocratique et Populaire déclare que les dispositions de l’article 16 relatives à l’égalité de l’homme et de la femme pour toutes les questions découlant du mariage, au cours du mariage et lors de sa dissolution, ne doivent pas aller à l’encontre des dispositions du code algérien de la famille »
L’article implique l’illégalité des discriminations consacrées par les articles du code de la famille à propos de : la tutelle matrimoniale, l’autorité parentale, et les effets du divorces…Donc la levée de la réserve sur l’article 16 induirait logiquement à l’abrogation des articles derniers du code de la famille.
Réserve émise par l’Algérie sur l’article 29 paragraphe 01 :
« Le Gouvernement de la République Algérienne Démocratique et Populaire ne se considère par lié par le paragraphe 1 de l’article 29 qui dispose que tout différend entre deux ou plusieurs Etas concernant l’interprétation on ou l’application de la convention qui n’est pas réglé par voie de négociation est soumis à l’arbitrage ou à la Cour Internationale de Justice à la demande de l’un d’entre eux »
« Le Gouvernement de la République Algérienne Démocratique et Populaire estime que tout différend de cette nature ne peut être soumis à l’arbitrage ou à la Cour Internationale de Justice qu’avec le consentement de toutes les parties au différend.
Cette réserve n’a pas beaucoup d’impact sur la question des discriminations, cependant il est regrettable que l’Algérie se prive de cette possibilité de recours international.
Histoire de la ratification par l’Algérie du Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique (Protocole de Maputo) :
C’est par le Décret présidentiel n° 16-254 du 27 septembre 2016 que l’Algérie a ratifié avec déclarations interprétatives, le protocole à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples relatif aux droits de la Femme en Afrique, adopté par la 2ème session ordinaire de la conférence de l’Union africaine, à Maputo (Mozambique) le 11 juillet 2003. La ratification est suivie par une publication dans le Journal officiel, 2016-10-05, n° 58, pp. 4-12
Manifestations de violence à l’égard des femmes :
• Violence physique :
Les violences physiques contre les femmes sont criminalisées par la loi algérienne et pourtant plus de 4000 plaintes sont rapportées pour l’année 2020-2021 par le rapport de la Direction Générale de Sureté Nationale sur les violences faites aux femmes, soit 73,91% des plaintes pour VFF, contre 71,47% en 2020. Le même rapport rapporte qu’il y a eu au moins 5 cas de coups et blessures ayant entraîné la mort en 2021 ; 28 cas d’homicide volontaire, et 09 cas de tentative d’homicide.
A ce propos, 03 associations qui accompagnent les femmes victimes de violences ont été interviewées (Le réseau Wassila -Alger-, l’Association FARD -Oran-, La Fondation du Journal Féministe Algérien- Nationale), ainsi que 04 femmes survivantes aux violences physiques subies.
Il est relevé que la grille d’évaluation des dommages et des effets causés n’est pas la même dans tous les hôpitaux, elle change selon la région, selon la daïra, selon l’hôpital et parfois même selon le médecin. Les associations revendiquent le guichet unique et de normes nationales. Un constat général décrit la banalisation des violences physique à l’égard des femmes par les différentes institutions qui prennent en charge les femmes victimes de violences physiques, rarement dénoncées.
Ce que rapporte l’enquête de prévalence de 2019, faite par l’institut national de santé publique, Unicef Algérie, et l’UNFPA) – Enquête par grappes à indicateurs multiples [MICS] 2019- (11) :
Sur un échantillon représentatif, le pourcentage de femmes âgées 15-49 ans qui pensent qu’il est justifié qu’un mari batte sa femme pour une raison quelconque est de 41,7.
• Violence sexuelle :
Bien que très fréquentes, les violences sexuelles ont une définition très peu connue, d’ailleurs en l’absence d’une définition du viol dans la législation algérienne, toute violence sexuelle contre une femme sans la pénétration d’un organe sexuel masculin est considérée comme une agression sexuelle voir une simple atteinte à la pudeur. Les tabous d’une société conservatrice et extrêmement contrôlante des corps des femmes font que très peu de femmes dénoncent ou déposent plainte pour violence sexuelle. Le rapport annuel de la Direction Générale de Sureté Nationale sur les violences faite aux femmes parle de 57 plaintes pour agressions sexuelles soit 1,05% des plaintes, et 64 plaintes pour harcèlement sexuel soit 1,18% des plaintes.
• Violence économique :
Les violences économiques sont reconnues en Algérie, et les témoignages publiés dans la revue du CIDDEF (12) démontrent que ces violences augmentent sans cesse depuis la pandémie du covid-19.
Malgré la criminalisation des violences économiques contre les femmes par les amendements du code pénal en 2015, le rapport annuel de la Direction Générale de la sureté nationale ne rapporte rien sur ces violences.
En plus de l’inégalité légale en matière d’héritage entre les hommes et les femmes selon les articles du code de la famille, la revue femmes en chiffre 2021 de la fondation pour l’égalité/CIDDEF (13) démontre la vulnérabilité économique des femmes et son rapport avec le reste des types de violences, on retrouve dans la même revue les éléments suivants :
28,6% des jeunes femmes entre 15- 24 ans ne figurent ni dans la force de travail ni dans les scolarisées et 32,1% n’ont ni emploi ni ne sont scolarisées.
La proportion des femmes qui travaillent (parmi celles en âge de travailler de plus de 15 ans) on constate que celle-ci, bien qu’en progression, reste faible : 13,8% en 2019.
La population active en 2019 est de 12.730.000 personnes. La population active féminine a atteint, pour sa part, 2.591.000, soit 20,4% de la population active totale.
Le taux de chômage chez les hommes est de 9,1 chez les hommes, contre 20,4% chez les femmes.
Plus de 65% des femmes travailleuses sont sur le marché informel.
Bien que majoritaire parmi les diplômé.e.s, elles ne représentent que 11% dans les postes de responsabilité.
La féminisation des secteurs les moins bien payés : les mêmes statistiques montrent que les femmes occupent dans les entreprises privées et publiques les postes les moins bien payés, et le pourcentage des femmes travailleuses n’est important que dans les postes administratifs secondaires, ainsi que dans le secteur de la santé et celui de l’éducation publiques.
• Violence psychologique :
Les violences psychologiques sont aussi absentes du rapport de la Direction Générale de la sureté malgré qu’elles aient été mentionnées en 2015 dans les amendements du code pénal.
Les entretiens réalisés avec les 03 associations suscitées, ainsi que les témoignages des femmes survivantes aux violences, affirment que malgré la loi, la plupart des médecins légiste n’accorde aucun jour d’incapacité relatifs aux violences et aux effets psychologiques. D’ailleurs les certificats descriptifs qui nous ont été remis ne décrivent pas du tout l’état psychologique, pourtant très bien décrit par les femmes et les associations. L’absence d’un protocole d’application de loi relative aux violences psychologiques fait qu’il n’y a presque pas de trace de l’application de cette loi.
• Autres : cyber violences :
Le ministre de la justice Abderrachid Tabi a affirmé le 03 mars 2022, à l’ouverture d’un séminaire régional sur la “Cybercriminalité”, , a exhorté les institutions à “développer les systèmes judiciaire et sécuritaire pour faire face à ce type de crimes dangereux”. Il a aussi affirmé que la lutte contre la cybercriminalité est tributaire du développement du système judiciaire et sécuritaire, au vu des “conséquences graves” de cette activité criminelle, sur les systèmes informatiques et sur la vie privée des personnes. La gendarmerie lors du même évènement selon le Journal Féministe Algérien rapporte que ces crimes touchent plus les femmes et les enfants sans donner de statistiques précises.
Lois nationales pour lutter contre la violence à l’égard des femmes :
L’amendement du code pénal en 2015 à propos des violences conjugales, même s’il reconnait et pénalise plusieurs violences, ne repose pas sur le principe de l’égalité hommes-femmes et sur la reconnaissance des violences faites aux femmes comme violences systémiques dont la cause première est la discrimination ; de même qu’il ne reconnait pas la question des violences faites aux femmes comme problématique de dignité humaine ou de santé publique. Il est donc exclu à ce titre, que cet amendement puisse répondre aux besoins des femmes victimes de violences, et encore moins aux instruments internationaux ratifiés et relatifs à cette thématique.
Lois spécifiques à la violence à l’égard des femmes :
Malgré les actions menées avant 2015 par les activistes pour les droits des femmes pour une loi-cadre inspirée de l’expérience des espagnol.e.s, et des travaux récents en Tunisie, il n’y a eu aucune loi spécifique à la violence à l’égard des femmes lors des amendements du code pénal en 2019.
Seules les modifications de l’article sur le harcèlement sexuel ont apporté du nouveau : pénalisation en plus du harcèlement en milieu professionnel (2004), le harcèlement sexuel dans l’espace privé et les espaces publics. -Article 341 Bis- du code pénal.
L’article n°40 de la Constitution révisée en 2020 prévoit la protection par l’Etat de la femme contre toutes formes de violence dans tous les lieux et en toutes conditions mais aussi dans les espaces publics et en milieu professionnel et privé” (14)
• Lois pénales/codes pénal Algérien :
- Les violences volontaires contre quiconque sont condamnées par le code pénal : Art 254-Art 255- Art256- Art 257- Art 258 (violences contre les mères) – Art 261- Art 262- Art 263-Art 263 Bis- Art 264 ter- Art 264- Art 265- Art 266. Tous les articles condamnant les violences volontaires, les menaces contre les personnes, les homicides sont utilisés pour condamner les violences faites aux femmes : de l’article 254 à l’article 303.
- La violence conjugale est pénalisée par les articles 266 bis, 266 bis 1- Loi n°15-19 du 30 décembre 2015 : Violences physiques, verbales et psychologiques sont pénalisées avec mention d’arrêt des poursuites judiciaires en cas de pardon de la victime : la quasi-totalité des femmes victimes pardonne sous pression de l’entourage proche.
Harcèlement sexuel :
Le harcèlement sexuel est pénalisé par l’article 341 bis- Loi n°15-19 du 30 Décembre 2015
Autres articles du code pénal rendant plus vulnérables les femmes victimes de violence :
Article 326- loi n°06-23 du 20 Décembre 2006 : cet article stipule l’arrêt des poursuites judiciaire contre le kidnappeur d’une victime mineure, si cette dernière l’a épousé.
• Lois et processus procéduraux (civils et pénaux)
-Il n’y a pas à ce jour de texte d’application de la loi dans le code des procédures pénales.
• Lois coutumières/religieuses :
La constitution algérienne considère selon l’article n°02 que l’islam est la religion de l’état, bien que cet article est un simple article déclaratif et non pas dispositif.
Le code de la famille est le seul code inspiré de la charia islamique, bien que les juristes estiment qu’il a été désacralisé après les amendements de 2005.
Le code civil algérien, dans son premier article permet au juge en absence de lois, de se référer au droit musulman, et à défaut au code coutumier. Des principes répétés dans les articles 201, et 222 du code de la famille.
Les lois coutumières diffèrent d’une région à l’autre, et avec ces différences varient les pratiques violentes envers les femmes. L’accès aux droits, loin de la pression des codes coutumier, varie selon l’autonomie des femmes et l’accès aux instruments de la justice dans la région. Les entretiens réalisés rapportent que ce sont les femmes qui vivent dans les régions les plus isolées et qui sont le moins autonomes qui subissent les codes coutumiers violents pour la plupart.
Parmi les principales raisons qui compliquent l’adoption de politique ferme contre les violences faites aux femmes, c’est la perception des lecture religieuses dans l’imaginaire collectif à propos de la place des femmes.
• D’autres lois qui ont secrètement un impact sur la perpétration de la violence envers les femmes contre les femmes :1.Le code de la famille : ce statut personnel annule le sens des droits qu’est censé consacrer le code civil, et rend les femmes vulnérables et la cible des violences puisqu’il encourage la hiérarchie entre les hommes et les femmes.
- Dans beaucoup de situations, les femmes finissent par vivre des violences qu’elles acceptent pour éviter les représailles légales selon le code de la famille. Exemple : la déchéance de la garde des enfants aux mères divorcées si elles se remarient, selon l’article 66 du même code.
- La non mention de la participation à la vie civile dans l’article 35 du code de la famille, alors qu’il parle de participation à la vie politique, économique, sociale et culturelle. Alors que les violences de tous les types sont consacrées par la vulnérabilité des femmes causée par les discriminations relatives aux droits civiles.
2. La nouvelle loi électorale 2020 : Cette loi parle de la parité dans la liste et annule le principe de démocratie participative qu’a apporté la loi précédente. Sans aucune garantie de représentativité, cette loi a poussé la majorité des femmes victimes de violences en milieu politique de se retirer.
• Le code du travail, et les lois sur la protection sociale
Le code du travail algérien criminalise la discrimination salariale entre les hommes et les femmes – la loi 90-11. Néanmoins, la loi est détournée par le recrutement des femmes dans les postes les moins bien payés.
-Le harcèlement sexuel contre les femmes en milieu professionnel est criminalisé depuis 2004.
- La maternité est considérée comme une haute fonction de l’état bien que plusieurs problématiques liées à la loi qui la régit sont identifiées :
L’accès des mères célibataires à leurs droits est empêché par les procédures qui exigent une fiche familiale prouvant le mariage alors que la loi ne parle pas de femme mariée, mais plutôt de femme travailleuse.
Aucun congé de maladie n’est accordé aux femmes à partir du 03ème mois de grossesse. Tout congé à partir de cette période de la grossesse est comptabilisé et soustrait du congé de maternité.
•les dispositifs relatifs à l’entreprenariat féminin :
La promotion de l’entreprenariat féminin fait l’objet d’une stratégie nationale à travers les micro crédits -ANGEM (15)
• Politiques nationales :
Les politiques nationales tel que les formations à destination des magistrats et du corp de la police, ou les journée d’études de l’institut national de santé publique sur les violences faites aux femmes, peuvent sembler investir beaucoup d’effort pour lutter contre les violences faites aux femmes, mais l’absence de coordination entre les différents secteurs de prise en charge et de prévention, a empêché le respect de l’Algérie de ses engagement internationaux et retardé la mise en œuvre de vraies politiques publiques qui vont dans le sens des nouvelles loi adoptées à fur et à mesure.
Référencement
- https://www.amnesty.org/fr/location/middle-east-and-north-africa/algeria/report-algeria/ (rapport de Amnesty 2021)
- https://www.aps.dz/algerie/123686-legislatives-8-35-de-taux-de-representation-de-la-femme-a-la-nouvelle-apn
- https://information.tv5monde.com/terriennes/elections-en-algerie-qui-prend-les-candidates-pour-des-fraises-412131
- https://feminicides-dz.com/
- Journal officiel (JORA) le 10 septembre 1963
- Journal officiel n° 26 du 25/04/2004
- Journal officiel n° 6 du 24/01/1996
- Journal officiel n° 12 du 23/02/2003
- Journal officiel n° 91 du 23/12/1992
- Journal officiel n° 58 du 05/10/2016
- https://www.unicef.org/algeria/media/1441/file/Enquête par Grappes à Indicateurs Multiples (MICS6) 2019.pdf
- https://ciddef-dz.com/wp-content/uploads/2021/03/revue43.pdf
- https://ciddef-dz.com/wp-content/uploads/2022/04/annuaire2021FINAL-1.pdf
- Article 40 de la constitution 2020
- L’ANGEM est un organisme public chargé d’octroyer des microcrédits sans intérêts selon deux modalités : Des crédits d’un montant maximum de 100.000 DA pour l’achat de matière première, des crédits à taux bonifiés à 100%d’un montant maximum d’un million de DA, pour des projets qui associent l’ANGEM, la banque et le bénéficiaire.
Amel Hadjadj