Violences faites aux femmes : des organisations féministes appellent à une stratégie nationale ambitieuse et efficace

Alger, le 5 mars 2025 –

 Face à la persistance alarmante des violences faites aux femmes en Algérie, plusieurs organisations féministes expriment leur engagement en faveur d’une stratégie nationale de lutte à la hauteur des enjeux. 

Tout en saluant l’initiative du président de la République, Abdelmadjid Tebboune, ayant mandaté le ministère de la Justice et le ministère de la Solidarité pour renforcer la protection des femmes, les organisations signataires formulent *des propositions concrètes et essentielles* pour garantir une réponse efficace aux violences sexistes. Les recommandations s’articulent autour de plusieurs axes prioritaires : 

• Un dispositif de signalement efficace avec des centres d’appels accessibles 24h/24 et des protocoles d’intervention rapide. 

• Une protection immédiate des victimes* avec l’acceptation systématique des plaintes, l’éloignement des agresseurs et le renforcement des capacités d’accueil. 

• Un accompagnement global* incluant la construction de nouveaux centres d’hébergement, des aides financières aux victimes et des programmes de réinsertion. 

• Une formation renforcée des professionnels* pour assurer une meilleure prise en charge des femmes victimes de violences. 

• Un cadre juridique renforcé* avec la reconnaissance du féminicide et du viol conjugal, ainsi que l’amélioration des lois sur le harcèlement et les violences psychologiques. 

• Une action sur les causes structurelles en intégrant l’éducation à l’égalité et en abrogeant les lois discriminatoires. Les organisations signataires rappellent que la lutte contre les violences faites aux femmes ne peut se limiter à des annonces symboliques, mais exige des actions concrètes, rigoureuses et suivies. 

Elles restent mobilisées pour que la stratégie nationale adoptée soit véritablement transformatrice et place la voix des femmes concernées au centre des décisions.

Signataires : Le Réseau Wassila / Avife, la Fondation du Journal Féministe Algérien, le Collectif Agir pour l’émancipation des femmes, le Collectif Algerian Feminists, Initiative Dépression Post-Partum Dz, Initiative Laha Podcast, la Fondation Amal et Karama.

•Lettre ouverte :

Une stratégie nationale à la hauteur des enjeux : propositions des organisations féministes

Les violences contre les femmes participent à un système d’injustices, d’inégalités et de discriminations qui peuvent être combattues dans le cadre d’un projet global de sanctions, de sensibilisation sociale, et d’accompagnement des victimes , à travers des mesures concrètes dont il faut mesurer régulièrement la pertinence et l’efficacité.

Nous, organisations et militantes féministes algériennes signataires ci-dessous, saluons l’initiative du président de la république, monsieur Abdelmadjid Tebboune qui a chargé le ministre de la Justice et la ministre de la Solidarité de définir des mécanismes juridiques renforçant la protection des femmes contre les violences et pour la préservation de leurs places dans la société.

Suite à ces instructions, la ministre de la Solidarité nationale, de la Famille et de la Condition féminine, madame Soraya Mouloudji, a rapidement donné des directives pour l’élaboration d’une “stratégie nationale de lutte contre les violences faites aux femmes”, insistant sur l’importance d’une protection sociale et juridique renforcée. Elle a souligné la nécessité d’intégrer ce sujet dans les grandes orientations politiques et de mettre en œuvre des actions prioritaires.

Nous saluons l’engagement de madame la ministre Soraya Mouloudji et saisissons cette occasion pour réitérer nos propositions en faveur d’une stratégie nationale efficace contre les violences faites aux femmes.

Cette lutte est essentielle, car les violences faites aux femmes demeurent une réalité alarmante en Algérie, compromettant leur sécurité, leur liberté et leur dignité. Il est urgent d’y répondre avec des actions structurées et adaptées.

Nous restons mobilisées pour que cette stratégie soit à la hauteur des enjeux et place la voix des femmes concernées au cœur des décisions.

Dans la lutte contre les violences faites aux femmes, chacune, chacun est concerné-e et a le devoir de s’engager 

C’est pourquoi nous encourageons les pouvoirs publics et nos concitoyen.ne.s à s’engager activement contre les violences faites aux femmes et exhortons les responsables politiques à mettre en place des politiques publiques efficaces pour les éradiquer à la racine.

Voici, à l’adresse des décideurs quelques propositions à intégrer dans la stratégie nationale proposée par madame la ministre :

 Pour signaler rapidement les violences :

Centres d’appels téléphoniques dédiés aux violences faites aux femmes, accessibles gratuitement 24H /24H, à partir de téléphones fixes et mobiles, pour signalement des violences, orientation et écoute des victimes. 

Protocoles d’intervention rapide des services de sécurité, sensibilisés et formés à cette mission.

Pour protéger les femmes avant qu’elles ne meurent:

•Protection immédiate des victimes en acceptant leur dépôt de plainte, avec ou sans certificat de médecine légale.

•Interpellation et éloignement des agresseurs.

•Amélioration des capacités d’accueil et des conditions de vie des femmes dans les centres d’accueil déjà existants.

•Pour accompagner les femmes et enfants, victimes de violences:

•Construction de centres d’hébergement, dans toutes les régions dupays.

•Facilitation de l’accès des femmes victimes de violences aux centres d’hébergement, quelque soit leur statut matrimonial, avec ou sans enfants.

Allocation d’un budget adéquat pour :

•L’aide aux victimes de violences et à leurs enfants.

•La gestion et l’encadrement des centres d’hébergement en médecins, psychologues, aidant-e-s…

•La mise en place de programmes visant l’autonomisation et réinsertion socio-économique des femmes victimes de violences.

•Pour assurer la qualité de l’accueil et de l’accompagnement des victimes:

•Formation de façon régulière des professionnels de la police, de la Justice, de la santé, des services sociaux et des centres d’écoute.

•Dotation des associations d’aide aux  femmes victimes de violences de financements suffisants et du droit de se porter partie civile auprès des tribunaux dans les affaires judiciaires liées aux violences faites aux femmes et leur attribuer à la demande des statuts d’utilité publique.

•Acceptation de toute plainte avec remise systématique d’un récépissé par les forces de l’ordre.

Pour mettre en place un dispositif de lois efficace contre les violences faites aux femmes :

• Définition précise des crimes de viol et des violences faites aux femmes.

• Définition précise de la violence psychologique et des mécanismes pour sa constatation, qu’elle soit associée ou non à une violence physique. 

• Continuité des poursuites (l’action publique) contre les agresseurs malgré le pardon de la victime. 

• Introduction du crime de «féminicide», dans le code pénal.

• Reconnaissance du Viol conjugal, dans le code pénal.

• Transférer l’infraction de harcèlement sexuel (Article 341 bis) du chapitre « crimes et délits contre la famille et les bonnes mœurs » vers celui des « crimes et délits contre les personnes », car il porte atteinte à l’intégrité physique et psychologique des individues, et non aux familles.

• Inscrire dans la législation du travail le délit de harcèlement sexuel et moral.

• Légiférer des décrets d’application pour la protection des témoins et l’éloignement des agresseurs.

Pour s’attaquer aux causes de la violence :

• Abrogation de toutes les lois discriminatoires et inégalitaires entre les hommes et les femmes. 

• Campagnes massives d’éducation à l’égalité, dans les programmes et établissements  scolaires, dans les placardages de rue, dans les médias et les télévisions, en particulier.

• Reconnaissance officielle de la discipline de victimologie, ce qui implique :

> L’organisation institutionnelle de son enseignement dans tous les cursus universitaires concernés: Santé, Justice, Services Sociaux et Services de Sécurité.

> La création de guichets intersectoriels et pluridisciplinaires, dédiées à l’accueil,  la prise en charge et l’orientation des femmes victimes de violences.

> L’application rigoureuse de la Loi Sanitaire de 2018 concernant l’obligation de signalement des violences par tous les professionnels de la Santé.

> Le certificat descriptif devrait pouvoir être établi par tout médecin et accepté par la justice.

> Le signalement des violences faites aux femmes et aux enfants ne doit pas être opposable au Secret Médical.

Au demeurant,  nous rappelons que l’adoption de mesures concrètes et rigoureuses est impérative pour combattre les violences faites aux femmes et mettre un terme à l’impunité, et nous réaffirmons notre entière disponibilité à accompagner l’implémentation de ces propositions dans le cadre des politiques publiques concertées et inclusives. 

N’oublions pas l’essentiel : il s’agit de protéger et de sauver des vies, mais aussi de préserver la cohésion et l’avenir de notre société face aux ravages de ces violences. 

Signataires:

Le Réseau Wassila / Avife

La fondation du Journal Féministe Algérien

Collectif Agir pour l’émancipation des femmes

Le collectif Algerian Feminists

Initiative dépression post partum Dz

Initiative Laha Podcast

La fondation Amal et Karama

Illustration by daifa

Copies à :

Madame la Ministre de la Solidarité, de la Famille et de la Condition de la Femme.

Monsieur le Ministre de la Justice.

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