Les nouvelles modifications apportées au Code pénal par Yakouta Benrouguibi

Entre le renforcement de la protection pénale des femmes et l’application de la clause du pardon pour échapper aux peines !

Le numéro 30 du Journal officiel algérien, publié le 30 avril, apporte d’importantes modifications à l’Ordonnance n° 66-156 du 8 juin 1966, relative au Code pénal. Ces changements, immédiatement applicables, introduisent de nouvelles mesures visant à moderniser le système juridique et à élargir la protection pénale, notamment pour les femmes.

Les modifications les plus notables concernent la révision des dispositions sur les crimes sexuels, classés sous « atteinte aux bonnes mœurs », et l’introduction de nouvelles procédures pour renforcer la protection des femmes. Ces mesures incluent un durcissement des peines pour viol, une meilleure protection des témoins et victimes, ainsi que l’instauration de mesures d’éloignement.

Cependant, malgré ces avancées, l’efficacité de ces réformes reste incertaine, en raison de l’application fréquente des mécanismes de pardon dans certains délits.

Protection des victimes et des témoins et mise en place des mesures d’éloignement :

Pour renforcer la protection pénale des femmes, la modification accorde de nouvelles prérogatives contre les pressions exercées par leurs agresseurs, notamment lorsqu’elles décident de porter plainte. L’article 5 instaure une procédure intitulée « Protection des victimes et des témoins », interdisant au coupable de contacter ou d’approcher la victime pendant sa peine, pour au moins trois ans. De plus, le procureur général et le juge d’instruction peuvent désormais ordonner l’éloignement du coupable jusqu’au jugement définitif.

Absence de soins psychologiques pour les victimes :

Bien que les crimes sexuels causent des souffrances profondes et des dommages graves aux victimes, le législateur algérien a choisi, de manière hasardeuse, d’imposer des soins psychologiques aux agresseurs condamnés pendant leur incarcération, tout en les déniant aux victimes. Cette approche néglige l’importance cruciale d’un soutien psychologique complet pour les victimes, qui devraient en être les premières bénéficiaires.

Protection des mineures :

Le crime d’enlèvement et de séquestration d’une mineure, puni par l’article 326 du Code pénal, est l’une des formes de violence les plus graves contre les mineures. Avant sa modification, cet article portait gravement atteinte aux droits des jeunes filles en permettant au violeur d’épouser sa victime mineure.

Face à un passé de violations des droits des jeunes filles sous couvert de la loi, et sous la pression des mouvements féministes, le législateur a supprimé le paragraphe inhumain de l’article 326, qui permettait au ravisseur d’échapper aux poursuites en épousant sa victime mineure.

Cette suppression représente un pas décisif vers une meilleure protection des droits des femmes et des filles. Cependant, malgré ces avancées, l’efficacité de cette réforme pourrait être compromise par la clause du “pardon pour échapper aux poursuites pénales”, toujours présent au troisième paragraphe de l’article 326.

Le mécanisme du “pardon” Un moyen d’échapper aux peines :

La sécurité des Algériennes reste menacée dans les espaces publics, car les criminels peuvent échapper aux peines grâce à la clause du “pardon”. Bien qu’il s’agisse d’une question éthique entre la victime et l’agresseur, cela ne devrait pas limiter l’action du procureur général. Si la victime pardonne, les tribunaux ne devraient pas clore l’affaire, car cela contredit l’objectif de protection pénale des victimes visé par la réforme.

Si le pardon vise à protéger les intérêts privés, il est légitime de se demander si le législateur algérien considère les crimes sexuels, le harcèlement et l’enlèvement de mineures comme ne relevant pas de l’intérêt public, ou comme moins graves que d’autres infractions où le pardon est interdit. Cette approche compromet l’objectif de protection des victimes, en permettant aux criminels d’échapper à la justice par un simple pardon. Une intervention législative urgente est nécessaire pour empêcher que le pardon ne devienne un outil d’extorsion, d’impunité et de fuite aux peines.

Renforcement des peines pour le viol et l’attentat à la pudeur et imprécision des définitions:

La modification a renforcé les peines pour attentat à la pudeur et viol dans les articles 335 et 336. Bien que ce durcissement soit un progrès, l’absence de définitions claires pour ces crimes soulève des inquiétudes quant à l’exploitation de failles juridiques. Il est donc crucial que le législateur définisse précisément ces infractions pour assurer une protection efficace des victimes.

Peines renforcées pour la diffusion de photos et le chantage :

Le législateur algérien protège désormais la vie privée dans le cadre du mariage ou des fiançailles, y compris après leur fin, en sanctionnant les abus d’extorsion ou de diffamation par photos. Une peine de 5 à 15 ans de prison et une amende de 100 000 à 1 000 000 DZD est prévue pour quiconque publie ou menace de publier des photos obscènes de son épouse ou fiancée.

En conclusion, bien que les progrès législatifs en Algérie soient lents, ces réformes, fruits des luttes féministes, représentent une avancée importante pour la protection des femmes. Toutefois, le législateur doit trouver un équilibre entre le renforcement des sanctions et l’éloignement des agresseurs, tout en limitant les possibilités d’échapper aux peines sous prétexte de pardon de la victime.

Illustrations Daïffa Daïffa

Par Yakouta Benrouguibi

Yakouta Benrouguibi, féministe algérienne, juriste, et membre de la Fondation du Journal Féministe Algérien.

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